mercredi 28 novembre 2007

Grève du bon sens

Diviser pour mieux régner.

Je peux concevoir que quelqu'un soit contre le blocus, mais la simple grève consistant à ne pas aller travailler, il me semble que c'est une liberté qui concerne exclusivement celui qui exerce son travail.

C'est étrange cette manie d'inverser les choses... Il ne faut pas confondre un service rendu avec un dû. Les employés des transports ne nous doivent rien. Ils travaillent contre un salaire, ils doivent donc fournir un travail pour être payé, et pas pour les beaux yeux des usagers. Et ça tombe bien, quand ils sont en grève ils ne sont pas payés.
Quand je vois que certains usagers les insultent devant les caméras de télévision, alors que c'est justement grâce à eux que ces usagers-là peuvent aller travailler tous les autres jours de l'année, je trouve cela inquiétant.

On nous parle d'assistanat quand c'est pour justifier cette tendance de la société actuelle de ne plus vouloir aider les plus démunis (c'est à dire de ne plus exercer sa fonction de redistribution des richesses), et dans le cas présent, pourquoi ne dirait-on pas de l'usager qu'il est un assisté ?

Pourquoi ne pas mettre un peu de cohérence dans tout ceci ?
Soit on est tous des assistés, dans ce cas l'usager tient sa langue dans sa poche quand il y a grève, lui l'assisté des transports en commun.
Soit on est pour une vraie société où tout le monde a sa place et sa tâche, ce qui inclut un vrai système de redistribution des richesses, qui octroie des conditions de vie descentes aux handicapés, aux grands malades, aux retraités, aux femmes enceintes (ou qui élèvent leurs enfants), aux étudiants, etc... C'est-à-dire une vraie société d'assistance réciproque et harmonieuse...

Bref, soyons pour l'assistance, ou contre l'assistanat, mais arrêtons de changer d'avis tout le temps comme ça nous arrange !



Ah et puis il y a cette expression l'usager pris en otage. Je ne peux que conseiller à chacun d'ouvrir son dictionnaire préféré et de regarder la définition de ce mot. Et si malgré tout, ce nouvel emploi pour ce mot ne vous choquait pas, réfléchissons un tout petit instant... En forçant les grévistes des transports à retourner travailler, donc en les empêchant d'exercer leur droit de grève (droit fondamental de l'être humain), si finalement ce n'était pas plutôt l'usager qui prenait les employés des transports en otage ?
Après tout, dans le premier cas l'usager est livré à lui-même, dans le deuxième cas le conducteur de métro est assigné à son poste... Lequel ressemble le plus à un otage ? J'ose espérer que tout le monde l'a reconnu dans le deuxième cas...

Ensuite il faudrait préciser aussi que l'usager c'est tout le monde, tous ceux qui utilisent le métro, y compris ceux qui font grève. Donc déjà, l'usager pas content, c'est pas une généralité. L'enseignant ou l'étudiant qui prend habituellement le métro mais qui est en grève (et qui est donc pour la grève) est aussi un usager.



Reste la question des privilèges.
C'est amusant comme les mots sont importants... Il suffirait simplement, au lieu de désigner une catégorie de personne comme privilégiée, en désigner une autre comme des gens qui se font avoir (on pourrait les appeler les abusés par exemple). Il suffirait de faire cela pour que dans nos têtes, au lieu de dire «À bas les privilèges !», nous disions «À bas les abus !». Pourquoi se battre pour abaisser les conditions de vie des uns, alors qu'on pourrait se battre pour augmenter les conditions de vie des autres ? Pourquoi égaliser par le bas au lieu d'égaliser par le haut ?



Reste une question essentielle : les cheminots sont-ils vraiment des privilégiés ? Là cette fois, il s'agit d'une honteuse désinformation. Les cheminots cotisent 37.5 annuité quand le régime normal cotise 40 annuités.
C'est vrai.
Mais leur régime n'a pas que cela de spécial : leurs cotisations sont plus élevées que le régime normal de 12%.
Petit calcul :
37,5 x 1,12 = 42
Ce qui veut dire que les cheminots cotisent en 37 ans et demi l'équivalent de 42 ans du régime normal ! Ils cotisent donc l'équivalent de deux ans de plus que le reste des salariés !
Mais ce n'est pas tout, leur retraite est plus basse que celle qu'aurait quelqu'un du régime normal à salaire égal !
Mais ce n'est pas tout... exerçant un métier difficile, leur espérance de vie est bien plus courte que celle d'une personne ayant eu un travail plus confortable, donc la retraite leur est versée moins longtemps.

Des privilégiés ? Sûrement pas. Et si l'état les mettait vraiment au régime normal, il y perdrait de l'argent. Mais ça ne sera pas le cas, parce que l'état n'a pas l'intention de les faire passer au régime normal... non non... Il va juste leur faire un autre régime spécial sur-mesure : «Vous cotisez 40 annuités comme tout le monde, par contre vous continuez à cotiser 12% plus que le reste pour une retraite moins forte à salaire égal»...
Eh oui, une véritable arnaque...
Et pendant ce temps là, les journalistes ne font pas leur travail... à croire qu'ils font une grève permanente de l'information...

Evidemment, une fois qu'on a compris cela, on se rend compte que contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les salariés du privé qui paient les retraites de ceux du publique, c'est exactement l'inverse.
Mais quand un gouvernement a décidé d'assassiner le service public, il est avantageux de faire courir une petite contre-vérité...



Dernier point... Pourquoi ceux qui ne sont pas contents à cause de la grève ne s'en prennent pas aux vrais responsables ? Ce sont les agissements du gouvernement qui sont la source du problème, alors pourquoi s'en prendre à ceux qui subissent ?



Pour terminer, un petit article très intéressant de l'Acrimed (pour ACtion CRItique MEDia, site spécialisé dans le décodage médiatique), nous expliquant comment les journalistes choisissent leurs mots pour influencer le téléspectateur : lien . Comment ça les média sont partials et partisans ?
Ce petit lexique que j'ai découvert hier, se révèle être une vraie étude pratique pour mon article Langage et esprit.
Très enrichissant.
Bonne lecture !