mercredi 30 septembre 2009

La peur

La Grande Manipulatrice

Une petite introspection sur les origines de la peur, ses mécanismes, ses formes diverses et ses implications dans nos vies...


Aux origines de la peur : la Loi de Conservation

Parmi les lois fondamentales et essentielles du monde, il en est une que je nommerais Loi de Conservation. Comme toutes lois essentielles, elle est présente dans tous les domaines sous divers aspects.

D'un point de vu des sciences physiques, à l'usage de la matière, elle est présente dans l'inertie des corps. En effet tout corps en mouvement tend à conserver son mouvement identique à lui-même, c'est à dire à vitesse constante et en ligne droite. C'est l'application d'une force à ce corps qui permet de modifier ce mouvement, par exemple pour une balle de tennis, ces forces sont la gravité ou les forces de frottement de l'air...
Un autre aspect de la loi de conservation est tout simplement le principe-matière lui-même, le fait que cette table reste table, ses particules étant agglomérée et restant solidement en place les unes par rapport aux autres.
Toute la physique est basée sur ce système dual : une force et une résistance à cette force. La force s'applique, et l'état du sujet se modifie progressivement. Sans cette loi de conservation, le monde ne serait qu'un chaos bouillonnant, où rien ne dure, et finalement rien n'existe.

Pour les êtres vivant, elle s'exprime à travers l'instinct de survie, parfois de manière concurrentielle entre l'instinct de survie de l'individu, et l'instinct de survie de son espèce. Elle est la volonté des êtres à continuer de vivre, contre les menaces physiques extérieures ou les maladies.

En psychologie, toute résistance au changement provient de cette même loi, tout comme les habitudes que l'on se forge.


De la conservation à la peur des horizons nouveaux

La peur est l'émotion qui caractérise une manifestation exagérée de cette loi de conservation chez les êtres qui la ressentent.

D'un point de vu idéologique, ce sont les convictions, les croyances que l'ont acquiert, et dont on ne veut se défaire, même lorsque preuve est faite qu'elles sont incorrects ou infondées.

Inversement, cette peur peut prendre les traits du doute et du scepticisme. Bien que certaines personnes élèvent le scepticisme au rang d'étendard, comme principe ultime d'un esprit éclairé, ce n'est que poudre aux yeux, un vulgaire prétexte pour s'y empêtrer.

Celui qui doute a peur de s'accrocher à la vie, il a peur de la réalité, alors il préfère rester dans l'antichambre du monde, là où l'on peut douter tranquillement de tout sans s'y risquer, comme certains enfants se réfugient dans l'autisme. C'est rassurant le doute. C'est comme reporter une grande décision au lendemain. On évite d'assumer les conséquences de l'établissement d'une vérité...

Car oui, les vérités nous transforment profondément, une fois conscient d'une chose, on ne peut plus continuer à agir et penser comme si nous ignorions encore.
Chaque vérité ouvre notre esprit sur un ensemble plus grand, plus vaste, vertigineux... Il ne faut pas avoir peur de parcourir le monde.

Mais la peur conduit les sceptiques à se contenter des quelques atomes tournant autour de leur ego, jusqu'à s'y noyer. Ce n'est qu'une réaction de rejet du monde, qui essaie vainement de se maquiller en sagesse, pour tromper son hôte...


La peur... celle qui limite tout...

De toutes les émotions, la peur est celle qui fait commettre le plus d'erreur. Car s'il est vrai que la colère altère le jugement et délègue nos actes à notre impulsivité, elle est une émotion éphémère, et celui qui la ressent ne peut ignorer qu'il est sous son emprise. Sitôt calmé, le colérique sait qu'il a mal agi ou mal pensé, et peut toujours tenter de réparer.

Mais la peur peut autant prendre la forme de peur-panique déclarée au grand jour, nous paralysant le corps et l'esprit, ou autant s'insinuer discrètement dans les méandres de notre être et nous souffler des idées en se faisant passer pour la raison, l'intuition, ou un ressenti... nous trompant une vie entière...

Car elle nous touche plus en profondeur, et tout est bon pour la justifier, jusqu'à se mentir à soi. La peur est l'émotion la plus sournoise, et la plus inconsciente.

On reconnaît celui qui a peur par sa mauvaise foi, son incapacité à regarder l'objet de sa peur droit dans les yeux. Se cachant derrière des raisonnements farfelus, qui persistent même une fois démantelés, il continue vainement à tenir le cap à contre-courant de tout bon sens.
Même un scientifique en proie au scepticisme perd toute notion de justesse dans sa logique, et comble parmi les combles, bâtit ses raisonnements en vu de justifier ses convictions au lieu de construire ses convictions sur des raisonnements impartiaux, une inversion qui est un manquement impardonnable au protocole scientifique.
Quand aux intuitifs et autres mystiques, tout est bon pour s'imaginer des signes et des perceptions nourrissant cette peur. Toutes leurs interprétations sont orientées pour la satisfaire, ils ne voient que ce qu'ils veulent voir... à travers le voile de la peur.

Certaines personnes ont même peur d'atteindre leur but, et devant l'accomplissement, se sabotent eux-même pour échouer. Peur de réussir... peur de l'après... peur d'être plus grand qu'ils ne le sont aujourd'hui...

Et puis il y a la manipulation des masses, nos dirigeants l'ont bien compris : rien ne vaut une bonne peur... Toutes les lois proposées à l'encontre de nos libertés seront toujours appuyées par une campagne de propagande autour de la peur.


Le mot de la fin

La peur tire sa source de la Loi de Conservation, dont elle est un signe d'excès.

Tout est une question d'équilibre... Si la conservation est nécessaire, les forces du changement le sont tout autant. Ces deux principes sont en interaction, la conservation donne de la substance aux forces et les canalise, et la force façonne ce qu'il doit être conservé. Lorsque la peur se manifeste, l'équilibre est rompu, toute force est rejetée et la conservation prends une ampleur démesurée. Les deux principes ne sont plus en interaction saine et harmonieuse, mais en concurrence conflictuelle. C'est le vrai visage de la peur.

Lorsqu'elle s'exerce sur vous, elle vous paralyse, que cela soit physiquement ou mentalement. Elle stoppe votre évolution, elle fait stagner votre vie. Elle limite tout, empêche votre épanouissement et vous fait passer à côté de l'essentiel...

jeudi 6 août 2009

Inéffable


Nous nous promenions dans un jardin par une douce matinée, foulant pieds nus l'herbe encore fraîche de rosée, flottant, ayant pour seul chemin les effluves florales.

C'est là que nous la vîmes...

Une émotion vive et colorée, scintillante, voletant au gré des vents en chuchotis et frou-frou...
Elle dansait là, tout autour, sans pudeur : nous étions seuls à la voir ! Alors elle valsait pour nos yeux, nous emportant avec elle dans le tourbillon d'un rythme à trois temps... Symphonie, envoutant l'espace et le temps !

Déjà s'envolant au loin dans les cieux, deux-trois boucles en guise d'adieu, elle disparut derrière quelques cotonneux... laissant pour seul souvenir un fil de soie pendillant au firmament.

Nous restâmes ébahies, bouche-bée, émerveillés... Mais que s'était-il donc passé ?
Alors nos pensées s'en suivirent le fil d'Arianne, avide d'en revenir chargées de quelques mots...

A tes yeux écarquillés et ton inspiration soudaine, j'en pressentis l'à-peu-près dont tu allais l'outrager. Alors barrant tes lèvres de mon index, je laissais échapper un «shhh»... comme une brise d'été soufflant dans les blés... ... ...



L'Alchimie est si fragile... Un seul mot pourrait la briser...

 

samedi 11 juillet 2009

Tao Te King

Aphorismes X à XII

Trois aphorismes de plus traduits par mes soins...
Je sais, c'est peu, mais il y en a un qui m'a vraiment donné du fil à retordre...


X

Êtes-vous capable d'embrasser votre instinct et votre âme et d'en maintenir constamment l'unité ?
Êtes-vous capable de concentrer votre Chi et de redevenir doux comme un nouveau-né ?
Êtes-vous capable de dissiper les mystères et de garder la vue claire ?
Êtes-vous capable d'aimer le peuple et de régner sur le pays sans agir ?
Êtes-vous capable quand les portes du Ciel s'ouvrent puis se ferment, d'être comme une femelle ?
Êtes-vous capable de faire pénétrer votre esprit en des lieux que vous ne connaissez pas ?

Il leur donne la vie et les nourrit
Il leur donne la vie, mais ne se les approprie pas
Il les sert, mais n'attend rien en retour
Il règne, mais sans exercer son autorité
Telle est sa mystérieuse Vertu


XI

Trente rayons se rejoignent autour du moyeu d'une roue
C'est son vide qui rend la roue utile au chariot
L'argile est pétri pour faire un vase
C'est son vide qui rend le vase utile
Les portes et les fenêtres sont percés pour faire une chambre
C'est son vide qui rend la chambre utile
C'est pourquoi si on peut tirer avantage de ce qui est
C'est par son non-être que l'on peut en faire usage


XII

Les cinq couleurs aveuglent les yeux de l'homme
Les cinq notes assourdissent les oreilles de l'homme
Les cinq saveurs éventent le goût de l'homme
La course et la chasse emballent le coeur de l'homme
Les biens difficiles à acquérir entravent les mouvements de l'homme
Constatant cela le sage se préoccupe de son estomac, non de ses yeux
C'est pourquoi il renonce à l'un et adopte l'autre


Remarque à propos de la Vertu

Le mot Vertu est généralement utilisé pour traduire le mot chinois Te ou De. C'est le mot qui est présent dans le titre de l'ouvrage : Tao Te King. Mais ce mot reste vague traduit et nécessite quelques éclaircissements.

Le Te est la qualité d'un être (ou du Tao lui-même) faisant référence à la simplicité, l'innocence et la pureté extatique, qui le moment venu révèle sa grandeur latente, son potentiel caché, caractérisé par une action efficace. Loin de s'enorgueillir de ce succès, une fois l'action accomplie, cet Être retourne à sa discrétion et son humilité coutumière. Le Te est la capacité à faire simplement ce qui devait être fait. Parfois certaines personnes d'un naturel fragile et faible, de part leur profond sens de la Vertu, parviennent à se surpasser, là où ceux qui passent pour fort restent pétrifiés. Cette force intérieure qui se met en action au moment venu n'est possible que pour une Âme Noble. L'espace d'un instant, à travers la transformation opérée par le Te, l'Être est en parfaite harmonie avec le Tao, si bien que même s'il ne dispose que de modestes moyens, il les mettra en oeuvre avec leur plein potentiel, délivré de toute peur, de toute retenue et de toute hésitation.

De façon plus générale le Te est à la fois la Vertu, et sa mise en oeuvre, qu'elle soit visible ou invisible, que cela soit par un acte concret ou par l'influence passive qu'elle a sur le monde.


Remarque à propos du Chi

Le Chi (prononcez tchi) est un des termes que je me refuse à traduire, car il n'existe aucun mot équivalent dans notre langue, et aucune façon de le remplacer de façon concise et exacte. Autant importer ce terme tel qu'il est dans notre langue, comme de nombreux autres mots étrangés, à peine francisés, sont venus enrichir notre vocabulaire au fil des siècles.

Le Chi correspond à l'énergie au sens ésotérique, au souffle vital. C'est un fluide invisible, immatériel et subtil qui circule non-seulement dans tout être vivant (en médecine chinoise, il circule principalement dans les méridiens), mais aussi dans la nature, ou dans l'air.

lundi 6 juillet 2009

Mélancolie


Tristesse langoureuse, intérieure beauté caressant des idéaux manquées, sentiment mélodieux et vacillante mélopée... Ô... mélancolie ! D'une oisive vertu, tu combles les interstices de nos instants perdus...

Espérance sans objet et promesse esseulée, tes deux ailes n'ont jamais su voler... Ô mélancolie, elles ont le don, de nous ceindre dans nos tendres abandons...

Brise frémissante sur mon cou en émoi, deux petits pieds froids blottis contre moi... Ô mélancolie, ce soir je te ressens, je te goûte ; je te vois : visage pâle, vibrante... ma compagne aimante...


samedi 27 juin 2009

Être et Avoir

Tendre schizophrènie.

Aujourd'hui, je me sens plus intimiste qu'à l'accoutumée, et je m'en vais vous conter un de mes vieux démons, me poursuivant sans relâche dans toutes mes relations avec l'autre, cette vieille chimère à deux têtes, à laquelle est traditionnellement associé le verbe Être à l'une, et le verbe Avoir à l'autre.

Chaque fois que j'établis une relation quelle soit amicale ou amoureuse, il y a toujours ce moment où je me rends compte de la véritable nature de l'intérêt que l'autre a pour moi. Ce n'est pas pour ce que je suis... C'est pour ce que j'ai... Pour ce que j'ai à apporter, à donner. Et voilà que mes qualités deviennent mes pires ennemies...

Et je me mets à penser qu'on a tous les défauts de nos qualités.

Celui qui protège est fréquenté par ceux qui ont besoin de protection, celui qui fait rire est fréquenté par ceux qui ont besoin de rire, celui qui a des connaissances est fréquenté par ceux qui les convoitent. Le riche attire les avares, le fort attire le faible. Encore cela ne serait pas si grave, mais bien-sûr il suffit de perdre une de ses qualités maîtresses, pour perdre de son intérêt.
Tout protecteur qu'on soit, on n'est pas à l'abri d'un coup de blues, tout comique qu'on soit, d'une panne d'inspiration, et les connaissances et sagesses dont nous disposons ne sont pas infinies... Et quand la source commence à se tarir, l'intérêt que l'on vous porte décroit, et avec lui cette illusion d'amitié ou d'amour se dissipe peu à peu.

Celui qui est laid, bête, rustre et pauvre, celui qui n'a rien pour lui et qui malgré tout a une femme et des amis qui l'aiment, cet homme là est sans conteste le plus heureux du monde, il est aimé pour ce qu'il Est.

Cela me rappelle cette histoire taoïste de l'arbre tordu. Je me souviens juste de quelques bribes de ce dialogue entre deux hommes. Le premier regarde un arbre tordu, le décrit avec mépris en constatant son inutilité et son apparence disgracieuse. Il est fait d'un bois qui brûle mal, et il est si noueux qu'on ne pourrait en faire aucun outil, aucun ustensile, aucun meuble. Le deuxième homme le regarde en riant, et lui fait remarquer que c'est précisément parce que cet arbre est inutile qu'il est encore debout, alors que tous les autres ont été abattus.

Car tout ce qui est utile est utilisé.

Ainsi les gens confondent "l'aimer" et "se sentir bien avec lui", "l'aimer" et "avoir ses besoins comblés en sa présence". Être et Avoir ne sont rien d'autre que le Sens et la Raison... Ne trouvant aucun sens à l'Amour, ils en cherchent des raisons: "je l'aime parce qu'il est beau, parce qu'il me fait rire, parce que c'est un artiste"... Ne trouvant de sens à l'Amour, ils se cherchent des goûts, rien d'autre qu'une liste de critère que l'autre doit avoir pour passer le test avec succès...
Je préfère les blondes, je préfère les brunes, les grandes, les petites, les minces, les généreuses, les douces, celles qui ont du tempérament...
Toutes ces préférences, ces goûts et critères plus ou moins détaillés, toutes ces raisons pour masquer cette incapacité totale à trouver le sens de l'Amour. Tout ça pour pouvoir expliquer pourquoi c'est cette personne là qu'ils ont choisi, parce qu'elle a telle ou telle qualité, pour se le justifier à eux-même.

Que c'est triste de se dire que ce mirage d'amour nous laisse seul, si seul et incompris. Et quelle conception égoïste de l'amour... L'Amour, c'est une question d'Âme, la langue française avait pourtant vu juste en donnant une racine commune à ces deux mots... mais les gens se sont égarés... Le matérialisme des temps modernes a dû leur ôter peu à peu toute capacité à sentir l'être et le ressentir...

Sans un peu d'empathie, il n'est point d'amour véritable.

Y'a-t-il encore des personnes capables de prendre le temps ?
Le temps d'écouter l'autre, d'écouter la mélodie, la symphonie de son Âme... frémir sur ses variations mineurs, tourbillonner à s'enivrer au rythme de ses allegro, s'attendrir et se languir sur ses piano... Puis faire entrer son Âme dans la danse, et vibrer à l'unisson...

Se dévêtir un à un de tous ses atours, de tous ses avoir, et s'aimer tendrement, l'Âme à nu...