samedi 27 juin 2009

Être et Avoir

Tendre schizophrènie.

Aujourd'hui, je me sens plus intimiste qu'à l'accoutumée, et je m'en vais vous conter un de mes vieux démons, me poursuivant sans relâche dans toutes mes relations avec l'autre, cette vieille chimère à deux têtes, à laquelle est traditionnellement associé le verbe Être à l'une, et le verbe Avoir à l'autre.

Chaque fois que j'établis une relation quelle soit amicale ou amoureuse, il y a toujours ce moment où je me rends compte de la véritable nature de l'intérêt que l'autre a pour moi. Ce n'est pas pour ce que je suis... C'est pour ce que j'ai... Pour ce que j'ai à apporter, à donner. Et voilà que mes qualités deviennent mes pires ennemies...

Et je me mets à penser qu'on a tous les défauts de nos qualités.

Celui qui protège est fréquenté par ceux qui ont besoin de protection, celui qui fait rire est fréquenté par ceux qui ont besoin de rire, celui qui a des connaissances est fréquenté par ceux qui les convoitent. Le riche attire les avares, le fort attire le faible. Encore cela ne serait pas si grave, mais bien-sûr il suffit de perdre une de ses qualités maîtresses, pour perdre de son intérêt.
Tout protecteur qu'on soit, on n'est pas à l'abri d'un coup de blues, tout comique qu'on soit, d'une panne d'inspiration, et les connaissances et sagesses dont nous disposons ne sont pas infinies... Et quand la source commence à se tarir, l'intérêt que l'on vous porte décroit, et avec lui cette illusion d'amitié ou d'amour se dissipe peu à peu.

Celui qui est laid, bête, rustre et pauvre, celui qui n'a rien pour lui et qui malgré tout a une femme et des amis qui l'aiment, cet homme là est sans conteste le plus heureux du monde, il est aimé pour ce qu'il Est.

Cela me rappelle cette histoire taoïste de l'arbre tordu. Je me souviens juste de quelques bribes de ce dialogue entre deux hommes. Le premier regarde un arbre tordu, le décrit avec mépris en constatant son inutilité et son apparence disgracieuse. Il est fait d'un bois qui brûle mal, et il est si noueux qu'on ne pourrait en faire aucun outil, aucun ustensile, aucun meuble. Le deuxième homme le regarde en riant, et lui fait remarquer que c'est précisément parce que cet arbre est inutile qu'il est encore debout, alors que tous les autres ont été abattus.

Car tout ce qui est utile est utilisé.

Ainsi les gens confondent "l'aimer" et "se sentir bien avec lui", "l'aimer" et "avoir ses besoins comblés en sa présence". Être et Avoir ne sont rien d'autre que le Sens et la Raison... Ne trouvant aucun sens à l'Amour, ils en cherchent des raisons: "je l'aime parce qu'il est beau, parce qu'il me fait rire, parce que c'est un artiste"... Ne trouvant de sens à l'Amour, ils se cherchent des goûts, rien d'autre qu'une liste de critère que l'autre doit avoir pour passer le test avec succès...
Je préfère les blondes, je préfère les brunes, les grandes, les petites, les minces, les généreuses, les douces, celles qui ont du tempérament...
Toutes ces préférences, ces goûts et critères plus ou moins détaillés, toutes ces raisons pour masquer cette incapacité totale à trouver le sens de l'Amour. Tout ça pour pouvoir expliquer pourquoi c'est cette personne là qu'ils ont choisi, parce qu'elle a telle ou telle qualité, pour se le justifier à eux-même.

Que c'est triste de se dire que ce mirage d'amour nous laisse seul, si seul et incompris. Et quelle conception égoïste de l'amour... L'Amour, c'est une question d'Âme, la langue française avait pourtant vu juste en donnant une racine commune à ces deux mots... mais les gens se sont égarés... Le matérialisme des temps modernes a dû leur ôter peu à peu toute capacité à sentir l'être et le ressentir...

Sans un peu d'empathie, il n'est point d'amour véritable.

Y'a-t-il encore des personnes capables de prendre le temps ?
Le temps d'écouter l'autre, d'écouter la mélodie, la symphonie de son Âme... frémir sur ses variations mineurs, tourbillonner à s'enivrer au rythme de ses allegro, s'attendrir et se languir sur ses piano... Puis faire entrer son Âme dans la danse, et vibrer à l'unisson...

Se dévêtir un à un de tous ses atours, de tous ses avoir, et s'aimer tendrement, l'Âme à nu...

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