lundi 7 janvier 2008

La vérité sur Horace

De l'art de la citation abusive

L'art de la citation m'a toujours amusé !
D'abord parce qu'il en existe toujours une qui dit exactement ce qu'il nous arrange, et aussi parce qu'un interlocuteur cultivé connait forcément la citation-parade. Et puis c'est tellement facile de jeter triomphalement une phrase toute faite à la face de nos détracteurs, comme s'il suffisait qu'une pensée soit citée pour qu'elle soit vraie ! D'autant plus qu'on peut se permettre de la citer sans même la comprendre... et là, ça devient grandiose...

Mais il y a mieux : la citation détournée. Il doit y en avoir de ces grands auteurs qui s'en retournent dans leur tombe... En voici une très célèbre, dont je viens de découvrir l'origine il y a peu. Il s'agit de la fameuse :

"Qui veut la paix prépare la guerre."

Tout le monde la connaît, mais vous allez maintenant découvrir la vérité sur cet emprunt maladroit à Horace, cette amputation de sa pensée, ce détournement honteux sorti de son contexte...

Voici l'extrait :

Apprenez, maintenant, quels avantages apporte avec soi la simplicité du régime. Avant tout, vous vous portez bien. Que la variété des mets soit nuisible à l'homme, vous le pouvez croire d’après votre propre expérience, vous souvenant de cette nourriture simple qui vous a passé facilement. Mais quand on mêle ce qui est rôti et ce qui est bouilli, les coquillages et les grives, la douceur se tourne en amertume, en bile, et l'humide pituite met le trouble dans l'estomac. Voyez ces intempérants se lever pâles de la table où, entre tant de mets, hésitait leur gourmandise. Un corps appesanti par les excès de la veille fait sentir son poids même à l'âme, et rabaisse vers la terre cette portion du souffle divin. Au contraire cet autre lorsque, refait en un moment par quelque nourriture, il a livré ses membres au sommeil, revient frais et dispos aux devoirs qui l'attendent. En certains cas, cependant, il pourra passer à un meilleur régime, quand le cours de l'année ramènera quelque jour de fête, quand il croira devoir rendre un peu de force à son corps fatigué par le travail. Les années viendront, la faiblesse de l'âge voudra un traitement plus doux ; que pourras-tu alors ajouter à ces douceurs sur lesquelles tu te jettes au temps de ta jeunesse et de ta force ? Qu'en réserves-tu pour celui où tu seras attaqué par la maladie, appesanti par la vieillesse ? Nos anciens faisaient cas d'un sanglier rance ; non qu'ils n'eussent point d'odorat, mais dans cette pensée, je crois que de ses restes avancés on pouvait user utilement pour un hôte inattendu, au lieu de sacrifier sans fruit la pièce entière à l'intempérance du maître. Oh ! pourquoi la terre nouvelle encore ne m'a-t-elle pas fait naître parmi ces héros ? Donnes-tu quelque chose à la renommée dont la voix, mieux que celle des Muses, peut charmer l'oreille humaine ? Ces grands poissons, ces grands plats, apportent ensemble force dommage et déshonneur. Ajoute la colère d'un oncle, la haine des voisins, toi-même, qui ne te peux souffrir, et souhaites en vain de mourir, n'ayant pas, dans ta misère, un dernier as pour acheter de quoi te pendre. C'est à Trausius, répond-il, que conviennent de tels reproches ; moi, je possède de grands revenus, d'amples richesses qui suffiraient à trois rois. Eh bien ! de ton superflu ne saurais-tu faire un meilleur usage ? Pourquoi voit-on, quand tu es riche, languir dans une injuste indigence d'honnêtes gens ? tomber en ruine les temples augustes des dieux ? Ne pourrais-tu, méchant, de cet amas de trésors, retirer quelque faible portion, pour l'offrir à ta chère patrie ? Tu es le seul, apparemment, pour qui les choses iront toujours bien. Oh ! quel sujet de risée tu prépares à tes ennemis. Lequel, dis-moi, au milieu des chances diverses de la vie, doit le plus compter sur lui-même, de celui qui a follement assujetti à mille besoins son corps et son âme superbe, ou de celui qui, content de peu et inquiet de l'avenir, a, comme l'on dit, préparé dans la paix les armes de la guerre ?

Source et texte complet : Espace Horace (le présent extrait provient du Livre deuxième - Satire II).

Alors ? C'est quand même autre chose, n'est-ce pas ?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Coucou,

Comme le sous-entend Horace lui-même il semble s'agir plus d'un adage "populaire" romain que d'une citation d'horace lui-même.

D'après le wikipedia anglais:

http://en.wikipedia.org/wiki/Si_vis_pacem,_para_bellum

La patérnité de cette citation reviendrait à Publius Flavius Vegetius Renatus (et oui un nom comme ca ca ne s'invente pas ;-) ).

Cela dit je pensais qu'Horace c'était le nom d'un cheval chez disney :-D

http://en.wikipedia.org/wiki/Horace_Horsecollar

Grüssi

Abra

Mr Applefish a dit…

Salut Abra, merci pour ces petites précisions concernant la véritable paternité de cette citation !

A bientôt !